Thierry Mechler

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17. Domenico Scarlatti

14 sonates

dimanche 26 septembre 2004


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« Ne t’attends pas, que tu sois dilettante ou professeur, à trouver dans ces compositions une intention profonde, mais plutôt un ingénieux badinage de l’art pour t’exercer au jeu hardi sur le clavecin. »

Cette définition par Domenico Scarlatti à l’usage du musicien qui découvrait ses 555 sonates plante le décor de ce que nous réserve l’enregistrement réalisé par Thierry Mechler à l’orgue Callinet d’Issenheim.

Mais avant de plonger plus en avant dans l’ingénieux badinage, il est nécessaire de remonter le temps, jusqu’à l’époque baroque. En 1685, précisément, année faste pour la musique, où naissent trois des plus grands musiciens baroques : Johann Sebastian Bach (1685-1750), Georg Friedrich Haendel (1685-1759) et... Domenico Scarlatti (1685-1747). Trois musiciens dont la musique a traversé les âges pour arriver jusqu’à nous, intacte. Trois musiciens initiés à leur art dans leurs pays natals, l’Allemagne pour les deux premiers, l’Italie pour le troisième, avant de prendre la route pour vivre de leur métier.

C’est en Allemagne, sillonnant les régions ou sédentaire à Leipzig notamment, que Bach a passé sa vie et a composé l’intégralité de son oeuvre. Haendel, lui, avait choisi l’Angleterre pour s’épanouir, à la suite du roi Georges 1er. Scarlatti, enfin, s’établit définitivement en Espagne en 1729, à Madrid, suivant son illustre élève la princesse Maria Magdalena Barbara, mariée avec l’héritier du royaume d’Espagne. Après avoir consacré son temps de composition à l’opéra et aux oeuvres vocales, le fils d’Alessandro Scarlatti se concentre désormais au clavecin. Un instrument que Domenico a appris à maîtriser lors de ses études dans sa prime jeunesse en Italie. L’histoire veut que Scarlatti et Haendel se soient opposés, en toute amitié, lors d’une joute musicale à Rome : Scarlatti l’emporte au clavecin, Haendel à l’orgue. Le catalogue de Scarlatti est essentiellement composé d’oeuvres pour clavecin, dont 555 pièces, dites sonates ou essercizi, écrites en un seul mouvement, chacune avec son tempérament et son caractère propres, de forme binaire, avec un, voire deux thèmes. Sans que Scarlatti ait eu envie de les identifier spécifiquement, à l’inverse de Bach qui groupait plusieurs pièces sous un nom. Les sonates de Scarlatti se distinguent donc grâce à la classification effectuée par Ralph Kirkpatrick.

Dans ses sonates, Scarlatti propose un condensé de la science du contrepoint de l’époque, tout en innovant avec le traitement privilégié de la mélodie, qu’il intègre au rythme et à l’harmonie, avec l’utilisation de dissonances, de modulations abruptes, de contrastes rythmiques et mélodiques, le tout concentré dans un seul mouvement, relativement court. Sans oublier une virtuosité sans borne, qui n’est pas sans annoncer un autre virtuose du clavier, Franz Liszt, que l’on ne manquera pas de comparer à Scarlatti.

Comparaison renforcée par Paul Dukas qui disait que les sonates de Scarlatti, « tout profitables qu’ils soient au travail des doigts, sont avant tout des morceaux de musique, d’une musique qui dut paraître aux clavecinistes d’alors aussi riche d’effet et aussi compliquée d’exécution qu’aux pianistes du XIXe siècle les Études de Chopin ou de Liszt. »

Dans cet enregistrement inédit, Thierry Mechler a sélectionné quatorze des 555 sonates composées par Domenico Scarlatti, qu’il interprète à l’orgue Callinet d’Issenheim. Il nous explique les raisons de ce choix inédit.

Thierry Mechler, vous avez choisi d’interpréter à l’orgue une sélection de quatorze sonates de Domenico Scarlatti, écrites à l’origine pour clavecin. Pourquoi ce choix ?

Je fonctionne toujours à l’envie, et j’ai trouvé très intéressant de jouer ces sonates à l’orgue plutôt qu’au piano ou au clavecin parce que cela me permet de mettre en valeur un côté que l’on découvre de plus en plus à l’orgue : l’articulation et le toucher. Depuis trente ans environ, les organistes et les enseignants ont découvert l’attrait de l’articulation aux dépens du seul jeu legato, ce qui permet d’aller bien plus loin dans l’interprétation, en donnant notamment un côté transparent, presque en filigrane. Cela permet aussi de faire ressortir des effets, une palette sonore, des nuances, des phrasés, que seul l’orgue permet.

Dans cet enregistrement, les choix de registration donnent à certaines sonates un caractère résolument «  à la française », d’autres ressemblent à s’y méprendre à du Bach, d’autres enfin semblent aussi légères que des sonates de Vivaldi. C’est étonnant ?

Chacune des 555 sonates de Scarlatti est un microcosme à elle seule, une miniature très technique. Chacune a son rythme, son thème, son phrasé, son identité. J’ai voulu donner pour chacune d’elle un esprit qui la définit, grâce aux couleurs de l’orgue. J’aime beaucoup la couleur et je ne m’en prive pas ! Une musique qui traverse le temps, qui est bien composée, possède trois éléments, le rythme, l’harmonie, le contrepoint. Les trois sont présents dans chacune des sonates et l’interprète n’a pas à compenser l’absence d’un des trois éléments. L’instrument n’est que le medium qui permet de transmettre les émotions à l’auditeur. Si cela est fait avec conviction, la musique est respectée. Par ailleurs, il faut jouer en fonction de l’instrument que l’on a. L’orgue Callinet d’Issenheim est riche en couleurs et permet de mettre en avant ses sonorités à la française, sa montre au côté terrestre... Il est important de pouvoir utiliser ses possibilités au maximum ! Enfin, je pense que si Scarlatti avait joué sur l’orgue d’Issenheim, il n’aurait pas fait autre chose que d’adapter son jeu aux possibilités de l’instrument. Vous proposez, en première et dernière plage de votre enregistrement, la même sonate en si mineur, mais dans des tempi et registrations radicalement différents.

Est-ce une manière de montrer qu’une même pièce peut être lue de différentes façons, selon l’envie du moment ?

En fait, j’avais choisi deux registrations, la première éthérée, avec nasard et tremblant, pour donner un côté céleste, contemplatif. La deuxième, avec la montre, était plus terrestre. N’arrivant pas à me décider entre les deux, j’ai trouvé intéressant de donner les deux versions, au début et à la fin de l’enregistrement, « entre ciel et terre », à la façon d’un portique. Cela donne d’ailleurs une unité au disque, un peu comme un cycle. J’aime beaucoup les cycles, je fonctionne beaucoup en cycle, notamment dans mes enregistrements.

Pour l’anecdote, Scarlatti donnait rarement un nom ou une identité propre à ses sonates. Dans votre sélection figure la Sonate en sol mineur intitulée Katzenfuge, fugue au chat. Drôle de nom pour une pièce, non ?

La Katzenfuge s’appelle ainsi parce que le chat de Scarlatti aurait marché sur le clavier du clavecin, jouant quelques notes avec ses pattes. Ce sont ces quelques notes que Scarlatti a regroupées dans le thème de cette sonate. Un thème assez biscornu et très chromatique, qui corrobore une fois encore la richesse de son écriture et de son inspiration. Un peu à l’image de toutes les sonates, très denses et très innovantes pour leur époque.

Propos receuillis par Anne Suply