Thierry Mechler

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Paru dans l’Alsace : "Les hautes eaux de Cologne"

lundi 2 décembre 2002, par Thierry Mechler


2002 est une année au sommet pour Thierry Mechler, qui devient titulaire des orgues de la Philharmonie de Cologne et crée son propre label, où il donne sa vision habitée des Variations Goldberg de Bach.

PREMIER TABLEAU : dans le salon de la maison de Guebwiller, un auguste Steinway de 1908 semble dialoguer en silence avec un petit bijou d’orgue d’appartement Dans la pièce à côté, Thierry Mechler s’acquitte du mieux qu’il peut, lundi 18 novembre, de sa mission de père, s’occupant de Thibaut et d’Antonin, en l’absence momentanée de leur mère, l’illustratrice allemande - notamment de livres pour enfants - Susanne Janssen.
Deuxième tableau : c’est un retour en arrière de six mois. Ce 9 mai 2002, l’éternel jeune homme de 40 ans, vêtu de noir (et blanc), donne les Variations Goldberg de Jean Sébastien Bach à l’orgue de la Philharmonie de Cologne (2000 places), devant un public médusé, "recueilli et silencieux comme jamais depuis la création de la Philharmonie en 1986", note le preneur de son Pierre Esser, un ami de longue date.

Une musique métaphysique

« Les "Variations Goldberg", c’est un Himalaya de vertige, un exercice de haute virtuosité truffé de chausse trapes. Et ce fut un moment magique avec le public », se souvient Thierry Mechler. C’est l’enregistrement réalisé par Pierre Essen lors de ce concert qui sort ces jours-ci auprès de Tonalis Records, un label que l’interprète alsacien, né à Mulhouse en 1962, vient de créer. « Cela faisait longtemps, explique Thierry Mechler, que je songeais à gagner ma liberté. La liberté de faire les disques que je veux, quand je veux ». Six ans après avoir enregistré à l’orgue l’Art de la Fugue du même JSB, ce n’est pas un hasard si le musicien revient au Cantor de Leipzig, dont l’intéressent surtout « les oeuvres de la maturité ». C’est « une musique métaphysique dit-il, dont on ne sort pas indemne, qui transforme tout sur son passage, l’interprète comme le public » et qu’il veut continuer à enregistrer au disque, au moins autant au piano qu’à l’orgue. Et surtout en live, car le direct permet d’« exprimer une dramaturgie qu’il est impossible d’atteindre seul et qui pousse l’interprète à devenir visionnaire ».

En franchissant les portes de l’univers de Bach, Thierry Mechler fait un pas de plus dans un monde qui le fascine, l’intimité d’un « homme à la recherche de l’au-delà ». Y-a-t-il une part de voyage initiatique dans ce parcours ? Sans doute car « on ne se lance pas dit-il, dans les Goldberg comme dans une autre oeuvre ». L’adaptation à l’orgue de ces Varlatlons, écrites pour le clavecin et qu’il a aussi déjà interprétées au piano, lui a demandé deux ans de préparation, avant d’en faire « une véritable création », un concert habité comme l’était déjà, dans le domaine de l’improvisation jazzistique, cet autre Köln Konzert signé Keith Jarrett...

La consécration à la Philharmonie

C’est que, aussi, l’enjeu, pour cet homme qui aime les défis, était de taille. Le récital qui fait l’objet de ce CD était en effet son concert d’installation comme tout nouvel organiste de la Philharmonie de Cologne, conseiller artistique pour le cycle d’orgue et conservateur des grandes orgues (70 jeux). Un poste à trois facettes qui consacre une carrière parvenue à un tournant. « La musique décorative ne m’intéresse plus », avoue celui qui reste professeur d’orgue et d’improvisation à la très prisée Musikhochschule de Cologne depuis 1998 et titulaire des grandes orgues de la Basilique Notre Dame de Thierenbach depuis 1984. « Quand on commence dans ce métier, on est obligé de penser en termes de carrière, de se montrer. À 40 ans, je ne pense plus du tout comme ça », ajoute Thierry Mechler pour qui la priorité est désormais d’être « sincère avec moi-même et avec l’art ».

Par LUCIEN NAEGELEN.

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